Publié dans ChallengeAZ, Généalogie

Y comme Yssingeaux

Un article du ChallengeAZ hors délai, mais il paraît que les commissaires de courses sont indulgents ! De plus, c’est aujourd’hui son anniversaire ! 89 ans ! Bon anniversaire … 

L’explosion d’un train de munitions lors du bombardement du 17 juin 1940 a décidé ton père ! Vous vous rendrez chez ses parents à Yssingeaux.

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17 juin 40, la gare de triage bombardée (Ouest-France)

Jean, ton père, travaillait rue Saint-Hellier, chez Jean & Beuscher, près de la gare de triage, qui fût prise pour cible par les allemands. Des trains de réfugiés et de militaires y étaient stationnés, ainsi qu’un train de munitions qui explosa… Rennes dénombra près de 2000 morts. Le soir même vous partiez à vélo pour Vezin-le-Coquet, commune voisine de Rennes, dans une ferme où vous aviez l’habitude de vous rendre pour acheter du lait, des poulets. Le lendemain, Jean et Jeanne, tes parents, sont retournés chez vous à Rennes chercher des affaires.

Au même moment l’armée allemande entre dans la ville et l’occupera jusqu’au 4 Août 1944 lorsque l’armée américaine arrivera.

Le soir du 18 Juin, tu es à l’entrée de Nantes, tu parcours ce chemin sur le vélo de ton père. Tandis que ta mère, aussi à vélo, porte les valises. Vous vous arrêtez aux abattoirs pour dormir. S’y trouve des militaires français. Ces derniers te proposent du “singe”. Beurk ! Ce n’était qu’un surnom pour du Corned-Beef issu des rations. Tu refuses et tu reprends la route pour Yssingeaux dès le lendemain. Que c’est loin, tu dors dans des fermes sur le chemin, le foin gratte, les nuits ne sont pas aussi paisibles qu’à la maison. Heureusement sur la route les gens vous offrent des fois le gîte. A Sarlat, par exemple, tu as pu dormir dans un vrai lit et tu as goûté pour la première fois du foie gras. Dire que tu pensais manger un simple pâté. Quelques jours plus tard tu arrives enfin dans la commune de tes grands-parents, la fatigue est bien présente, c’est un sacré périple que tu viens d’accomplir avec tes parents.

Il est tard, il fait nuit mais Firmin et Constance, tes grands-parents, vous attendent. Tu vas y passer l’été. Tu as trouvé quelques copines avec qui tu as joué durant l’été. Mais pas seulement, avec ton grand-père, tu partais en forêt aussi, chercher les champignons et aussi des pommes de pin afin d’alimenter la cheminée. Il était toujours devant toi lors de ces balades avec sa branche de coudrier à la main afin de faire fuir les vipères, nombreuses dans les bois durant l’été.

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La ligne de démarcation 1940/1942 http://www.tampow3945.com

Courant Août, tes parents décident de retourner à Rennes. La guerre est “finie”, les temps sont plus calmes. Tu remontes jusqu’à Vierzon où il faut passer la ligne de démarcation. Le passage se fait par un petit pont au dessus du Cher. Tu as peur. Les allemands vérifient tous les papiers, fouillent les valises. Personne n’est serein, l’occupant n’est pas franchement amical. Une fois les contrôles passés, tu rejoins quelques centaines de mètres plus loin, la gare. Direction Rennes. Comme lors de ton arrivée à Yssingeaux, tu arrives de nuit chez toi, Denis Papin, le propriétaire est resté lui, vous ne faites pas de bruit, mais le sommeil de la grand-mère au rez-de-chaussée est léger. Elle vous entend. La vie reprend son cours. Jean au garage, Jeanne à l’arsenal et toi, bientôt en tant qu’apprentie coiffeuse.

Et puis ça a recommencé, l’alarme a sonné, les forteresses volantes américaines lâchent leurs chapelets de bombes de très haut. La précision n’est pas forcément au rendez-vous et tu vois des rues entières de bâtiments se coucher. Ton père t’avait dit de te réfugier à plat ventre le long de la Vilaine, sur les berges en cas de bombardement. Vous retournez de nouveau à Vezin-le-Coquet chaque soir pour y dormir. La zone n’étant pas bombardée, vous y êtes en sécurité.

Retour en 2017, tu es toujours là, tu vécus de terribles moments durant cette période, tu es l’arrière-grand-mère de mes enfants et tu files tranquillement vers tes 90 ans. Car toi, tu n’avais que 12 ans au début de ces événements tragiques, toi, Gilberte Chalendard, ma grand-mère maternelle.

Sources

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